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     - TELL ME A SERIES - #10 "PROJET PIEUVRE"

 

     Se perdre sur Instagram. Passer d’une photo Summer Body à une autre sans y prêter attention. Double tap automatique. Faire défiler. Voir un plan fixe d’une vidéo dans un appartement blanc. Deux hommes enlacés dans les bras l’un de l’autre, silencieux. S’arrêter pendant 1 minute. Respirer.

C’est cet effet que me fait Pieuvre chaque matin. Un simple instant du quotidien d’un autre qui nous semble familier, pas retouché, vrai.

     Cette semaine, je ne pourrai pas me contenter de dire que les comédiens sont bons, que la réalisation est soignée ou que telle série est un accident industriel. Pieuvre est différente. Entre la web-série et le projet expérimental, elle explore le quotidien de personnages LGBT. Nous sommes plongés dans un instant sans réel début ni fin, une discussion animée entre deux amis, un couple endormi, une dispute, une réconciliation, un câlin, une pause café au bureau.

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     Vous devez sûrement vous demander : « Mais pourquoi perdrais-je mon temps à regarder ça ? ». Certes, Pieuvre peut paraître déconcertante dans un premier temps, mais c’est une expérience qui se vit avant d’être racontée. Je pense que chacun peut y trouver son compte, en retenir quelque chose de différent. C’est une série qui va vous accompagner au quotidien et qui fait passer des émotions. Ça semble un peu bête dit comme ça mais Pieuvre est honnête et réaliste. Chaque épisode est un plan séquence fixe d’une minute. On a l’impression d’être au cœur de la scène. Les comédiens sont talentueux et parfois sans le moindre mot, parviennent à nous procurer une émotion en une fraction de secondes. Je pense notamment à l’instant 302 (Ramy tente de réconforter Ferdinand) qui m’a mis les larmes aux yeux ou l’instant 317 (Erwin et Jean s’embrassent) qui m’a fait rêvé. Je me retrouve dans ces personnages qui sonnent vrais, bien plus que dans des personnages ultra-stéréotypés comme ceux d’Empire, Riverdale, Dynasty ou même Fiertés. De plus, Pieuvre a pris de l’ampleur dans les derniers épisodes en nous montrant une agression homophobe d’un réalisme déconcertant. Cet instant m’a à la fois choqué et semblé très familier. Je ne rentrerai pas dans des détails plus personnels mais je suis certain que beaucoup partagent la même impression. Je regrette cependant le fait que les personnages féminins soient en retrait, mais plus on avance dans la série, plus elles sont présentes. Je suis donc optimistes pour la suite.

     Au delà de ces aspects, Projet Pieuvre est novatrice dans sa forme. Elle vit avec son temps, en développant une histoire quotidienne sur Instagram (projetpieuvre) et Twitter (@projetpieuvre). Je suis admiratif du travail d’Arthur Vauthier (The Kidults) : parvenir à publier un instant par jour sans exception depuis bientôt un an relève presque du miracle.

Mais Pieuvre rencontre des difficultés régulièrement, dues à son concept même : montrer des images, qui pourraient paraître banales, comme deux hommes qui s’enlacent ou s’embrassent (ou même un homme qui mange une biscotte au petit dej’), n’est pas toujours aux goûts des modérateurs de Twitter ou d’Instagram qui censurent régulièrement ces contenus. Ce phénomène nous montre que malgré le travail accompli, ces géants de la communication sont toujours hésitants à mettre en avant ces images.

     En tout cas, prenez une minute de votre temps pour vous plonger dans Pieuvre, et si ça vous plaît n’oublier pas de partager (ça fait plaisir et ça fait vivre le projet).

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