La créatrice Jeanne Herry doit être une grande fan de Fleabag. Elle colle du début à la fin du pilote à l’œuvre originale: que ce soit dans la construction et l’enchaînement des séquences, dans les plans, jusqu’aux dialogues exacts. Et c’est ça le plus gros souci de Mouche : elle ne prend pas de liberté. Elle reste bloquée dans un moule trop grand pour elle. La série tente au maximum de suivre ce personnage excentrique et cette histoire, sans rien apporter de nouveau. Ayant vu la série originale, je ne peux pas m’empêcher de comparer les 2 versions. Mouche possède néanmoins des qualités. Premièrement, je trouve que Canal prend un risque (modéré d’accord, il faut pas pousser) avec Mouche. Je ne pense pas que le public français « traditionnel » ait l’habitude de voir ce genre de série. Mouche apporte quelque chose de nouveau dans le paysage sériel, et c’est tant mieux. La série est drôle, malaisante par certains moments, et ça marche. Du moins, presque… De nombreuses blagues tombent à plat car le rythme n’est pas assez maîtrisé, et pour un spectateur qui a déjà vu l’original, on ne peut s’empêcher de penser « lol… mais c’était plus drôle dans l’autre ». De plus, Fleabag était interprétée ET écrite par sa créatrice, Phoebe Waller-Bridge. Le personnage est donc écrit pour elle. Chaque réplique sort de sa bouche naturellement, presque comme si ce n’était pas le personnage mais la créatrice qui s’adressait à nous, face-caméra.

 

     J’aime beaucoup Camille Cottin et le travail qu’on lui a demandé de faire et très difficile. Certains passages marchent très bien, comme le passage du câlin avec sa sœur ou dans son salon de thé. Mais c’est parce que ces scènes sont très proches de l’humour de l’interprète française. Le reste ne ressemble finalement qu’à une pâle copie. Le propos de la série est aussi plus en retrait. Mouche vit des situations gênantes, très bien. Cependant, ce que je retiens du travail de Phoebe Waller-Bridge est plus profond. Fleabag est désespérée. Elle ne comprend pas le monde qui l’entoure. Elle se moque avec nous des événements et des attitudes des personnages, mais l’expression de son regard nous permet de comprendre toute la souffrance qu’elle endure depuis la perte de son amie. Cet aspect de la série est cependant trop peu perceptible dans Mouche. A voir s’il sera plus développé dans les épisodes suivants.

 

     Mouche fonctionne dans les quelques libertés qu’elle prend. Pour faire rire le public français, elle est parfois obligée d’adapter ses blagues. Et c’est là que ça marche ! C’est là où j’ai été surpris, c’est là que j’ai vraiment ri. Je pense par exemple au nom du salon de thé (l’humour pipi-caca, ça c’est mon point faible, je l’assume), ou lorsque Mouche fantasme sur un certain homme politique (je n’en dis pas plus). C’est mon plus grand regret : à vouloir trop coller à l’original, la série perd en naturel et en spontanéité. Elle pourrait tellement nous apporter, mais ne fait que réciter par cœur, ce qu’elle a appris la veille.